Dans la partie 1 sur le système agraire collectiviste (épisode 6), nous avons abordé le virement de stratégie du gouvernement chinois au début des années soixante et l’impact sur les populations locales

Le système agraire collectiviste 1962-1980 (partie 2)

De l’élevage quasiment familial

Maintenant les familles peuvent élever en usufruit les animaux de trait, mais ces derniers restent propriétés de l’équipe de travail. La garde des troupeaux est dévolue aux enfants et aux personnes âgées.

Si certaines familles élèvent des porcs, d’autres plus riches possèdent des truies et revendent les porcelets pour engraissement. La nourriture des porcs comprend essentiellement du riz, des légumes, de la patate douce.

Par contre l’Etat reprend à des cours très bas 50% des porcs ainsi engraissés.

La rémunération du travail

La planification agricole nationale fixe des critères de production que chaque province répartit jusque dans les comtés. Pour la région de Danian, la répartition se fait de la façon suivante :

  • L’Etat : un prélèvement en nature allant de 1 à 10% selon les années de la récolte de riz avec un prix fixe. La brigade vend également un pourcentage de sa récolte à l’Etat.
  • 4% de la récolte sont prélevés pour les semences
  • 2% en théorie en prévision de mauvaises récoltes
  • Ce qui reste est ensuite réparti au sein de l’équipe de production, dont environ 60% correspondant à plus ou moins 150 kg de riz/an/personne ; les moins de 14 ans ont droit à une ration moindre (30 à 70% de moins). Le reste soit 40% est donné en fonction de points de travail gagnés par personne. Les rations de riz sont distribuées 2 à 3 fois par an. Soit environ 250 kg de riz/an/personne ; on estime que 300 kg seraient le taux à atteindre pour une alimentation complète.

Vers une différenciation sociale

La nouvelle organisation agricole fait progressivement disparaître les inégalités sociales dans la région de Danian. Toutefois, des familles se créent un petit capital qui va peu à peu réintroduire des disparités économiques.

La situation est relativement difficile pour les familles n’ayant pas une force de travail importante (enfants en bas âge, personnes âgées) pour obtenir un nombre de points suffisants et le recours à la cueillette et au potager permet d’améliorer l’ordinaire mais sans plus.

Il n’en est pas de même pour ceux qui ont pu accéder à des fonctions de responsabilité dans les équipes de travail (comme les chefs, les comptables, etc.) s’octroyant ainsi plus de points de travail. Ce qui les a amené à pouvoir élever des porcs… qui eux-même produisent du fumier… qui permet encore de gagner des points en fumant les rizières !

Zébu versus Buffle

Les animaux de trait étant propriété de la brigade, il n’y a pas de points à gagner, un buffle produit plus de fumier et travaille plus longtemps par rapport au zébu mais plus lentement (avec un buffle on peut herser 1 mu en une journée alors qu’avec un zébu on est à 0,7 mu). Par contre un zébu est moins contraignant pour l’alimentation.

Ce qui fait que souvent ce sont les personnes ayant des responsabilités qui s’octroient la possibilité d’avoir chez eux un buffle en pension…

dans Qiuka (Yao)

Quelques exemples au début de la collectivisation

On peut distinguer 3 type de famille au début de la collectivisation :

  • Famille en phase d’accumulation , ayant l’usufruit d’un zébu et un porc à l’engraissement, avec un rapport consommateurs/actifs <1,4. Au cours de la collectivisation ce type de famille travaillera peu de rizières en fond de vallée, mais surtout en versant et sommet. Complété par des plantations de sapins et de camélias
  • Famille avec poste à responsabilité, ayant l’usufruit d’un buffle et d’une truie, avec un rapport consommateurs/actifs <1,4. Au cours de la collectivisation, la répartition des rizières en fond de vallée peut aller jusqu’à 60%. Complété par des plantations de sapins et de camélias.
  • Famille en phase de capitalisation, ayant l’usufruit d’un zébu, avec un rapport consommateurs/actifs >1,4. Au cours de la collectivisation, ce type de famille va disposer de 20-30% de rizières en fond de vallée, 30-40% en versants et 30-50% sur les sommets. Aucune plantation de sapins ou de camélias.

Dans l’épisode 8, nous traiterons de la période 1980-1995

Nos articles sur le riz glutineux ont pour sources des données locales chinoises, internationales, et reposent sur une étude faite en 2009 par deux étudiants en école d’ingénieur en agronomie ayant passés plusieurs mois d’enquête sur le terrain à Danian, ainsi que nos observations personnelles dans la région du Guizhou et du Guangxi.

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