Toute l’équipe de Couleurs de Chine vous souhaite une belle et heureuse année 2024 et vous propose à cette occasion cet aticle écrit et publié par Françoise sur son blog le 20 janvier 2008

Les groupes colorés, venus de tous côtés, se rejoignent sur les berges de la rivière. Les joueurs de lusheng soufflent avec ardeur dans leurs instruments, rythmant la mélodie par un violent coup de reins sur le côté. Ils vont par groupes d’une vingtaine, les petits lushengs entourant les grands, posés au sol. Ils semblent infatigables, l’un d’eux bondissant parfois au-dessus de la mêlée. En circulant au milieu des cercles de joueurs, on a l’impression d’être dans une cathédrale dont les orgues seraient devenues folles…

Autour des groupes de joueurs, les pétards éclatent sans plus finir dans un grondement semblable au tonnerre. Il faut parfois se boucher les deux oreilles pour ne pas avoir les tympans qui éclatent.

En proie à la plus grande excitation, les garçons et les filles se livrent au grand jeu de la séduction, qui n’est pas dénué d’une violence apparente. Les garçons tirent les filles avec force à l’écart de la foule ou vers la maison de l’un d’entre eux. Les filles résistent en s’accrochant les unes aux autres, les groupes s’agglutinent puis se séparent, jusqu’à la fin de ce combat amoureux, où un garçon réussit à tenir fermement la main d’une fille, sans plus la lâcher.

Les filles, entraînées par la musique, se mettent à danser à un rythme lent en formant des cercles autour des joueurs de lusheng. D’autres garçons les entourent en dansant gauchement. À la fin de la journée, les groupes de lusheng quittent le terrain de la fête les uns après les autres, les mères retournent au village avec leurs enfants. Seuls restent sur le terrain les datchin’ et les dapei, garçons et filles en langue miao, surexcités, qui s’interpellent d’un groupe à l’autre. Les plus beaux garçons ont séduit plusieurs filles et ne savent plus laquelle choisir. Jusque tard dans la nuit, parfois même jusqu’à l’aube du jour suivant, ils se rassemblent autour des foyers dans les maisons, par groupes de dix ou plus, pour bavarder, rire et échanger des chants d’amour.

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Cet article écrit il y a 16 ans reste complètement d’actualité. Même si les téléphones mobiles, les réseaux sociaux et la mobilité ont complètement changé les modes d’interactions sociales, les jeunes miao restent très attachés à cette tradition.

Beaucoup de jeunes miao sont au loin toute l’année pour les études ou le travail. Ils ne rentrent pour la plupart qu’une fois l’an lors des fêtes de fin d’année et c’est le moment pour eux de pouvoir affirmer leur identité miao à travers ses traditions, tel que le jeu de séduction lors du nouvel an miao.

Même si ces jeunes ont un style plus moderne, ils sont fiers lors de ces rassemblements de revêtir la tenue traditionnelle.

Très peu d’hommes miao épousent des filles qui ne sont pas des grandes montagnes miao. En effet, très peu de femmes arrivent à s’adapter aux conditions de vie difficile de cette région et nombreuses sont celles qui en sont reparties.

Les jeunes miao, comme leurs familles préfèrent donc se marier avec des jeunes filles issues des grandes montagnes miao et les festivals de lusheng sont une très bonne occasion pour ces rencontres qui s’organisent autour de codes bien définis très bien décris par Françoise.