Nous continuons la thématique de l’histoire agricole de Danian et ses environs après avoir évoqué dans l’épisode 4 les années d’avant 1949.

De la réforme agraire à la collectivisation (1952-1962)

Après la proclamation de la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949 et à peine un an après, en juin 1950, une loi sur la réforme agraire est publiée. Mais il faudra attendre 1962 pour qu’elle soit appliquée dans la région de Danian.

Cette loi repose principalement sur la disparition des droits à la propriété privée des grands propriétaires et d’une redistribution des terres en fonction d’une classification des terres et des populations.

Ainsi les rizières sont classées en fonction de leur rendement ; elles sont redistribuées aux paysans sans terre (à partir des terres détenues par les propriétaires absentéistes et des gros propriétaires (cf. l’épisode 4) sur la base de 1000 m² par adulte et 533 m² par enfant de moins de 16 ans pour les rizières. Les terres sèches sont réparties entre les familles. Par contre les paysans à faible revenu conservent leurs terres.

Cela a eu pour conséquence la création de nouvelles rizières en fonds de vallée (dont les terres appartenaient essentiellement auparavant aux gros propriétaires) et les zones boisées sont transférées au village et entretenues par les anciens domestiques contre salaire et riz. De même, les animaux (buffles, zébus) et le matériel agricole des anciens propriétaires saisis sont redistribués aux anciens salariés agricoles.

Le sort de la population s’améliore et les paysans ne paient qu’un impôt correspondant à 3% de la récolte. Et surtout dans la région de Danian, cela permet aux minorités comme les Miao et Dong de s’approprier des terres détenues principalement avant 1952 par les Hans.

Vers la collectivisation

Les coopératives « semi-socialistes » dès 1955 sont introduites par le PC. Ce sont des structures collectives, une par village, comprenant des équipes de travail (en général 25 à 50 personnes). La propriété privée n’existe plus, les terres agricoles appartiennent alors aux coopératives.

Toutefois, les paysans conservent à titre conservatoire les animaux, jardins et outils.

Dans chaque équipe est nommé un « comptable » qui valide un certain nombre de points en fonction du travail effectué. Les travaux d’irrigation deviennent collectifs améliorant ainsi les conditions de culture, en particulier celle du riz glutineux.

Les communes populaires

Après 1957, Mao Zedong lance le « Grand Bond en Avant », un ensemble de réformes pour accélérer les productions industrielles et agricoles. On fusionne alors les coopératives en « Communes Populaires ». Celle de Danian est crée en 1958 : toutes les terres et les animaux deviennent propriété de la Commune Populaire.

La commune Populaire de Danian comprend 7 brigades et regroupe une vingtaine de village (environ 5000 personnes). Les équipes initiales sont transformées en groupes de travail de 100-150 personnes qui à leur tour constituent des « brigades de production ».

Chaque Commune populaire comprend un bureau constitué :

  • un chef de brigade : décide des tâches à accomplir et participe aux réunions du PC
  • un vice-chef de brigade : organise le travail des groupes de travail et répartit les tâches
  • un comptable : distribue les points de travail, rapporte les quantités récoltées
  • un responsable de la jeunesse : fixe les « normes de conduites » pour les jeunes, assure la formation politique
  • un responsable des femmes : mobilise les femmes pour les amener à participer aux décisions politiques, s’occupe de la scolarisation des enfants, organise des activités sanitaires

Le travail n’est donc plus rémunéré, les repas sont distribués gratuitement dans des cantines collectives. Les buffles et les zébus, propriétés de la Commune Populaire sont élevés par 2 personnes, et une autre prend en charge les porcs de chaque groupe de travail.

En parallèle avec la mise en place des « mini-fourneaux » pour augmenter la production d’acier, on assiste à un fort déboisement de la région ; ainsi dans le comté de Rongshui on estime que 420000 m3 de bois et 4 millions de tiges de bambous ont été abattus pendant cette période.

Les conséquences de cette organisation du travail, couplées à des variations climatiques, ne sont pas à la hauteurs des espérances. En 1958, suite à un dysfonctionnement dans la chaîne de décisions, les récoltes sont partiellement perdues entrainant une malnutrition et des décès importants dans la région de Danian (on peut le constater en s’intéressant aux dates indiquées sur les tombes des environs). La diminution des forces de travail a un impact direct sur les animaux qui disparaissent peu à peu et par ricochet sur la fertilisation des sols. Toutefois l’entraide familiale et surtout la disposition en différentes altitudes des rizières (étalant ainsi la période de travail et de récolte), encore bien vivante, permet d’éviter une catastrophe qui aurait pu être encore plus importante.

Nos articles sur le riz glutineux ont pour sources des données locales chinoises, internationales, et reposent sur une étude faite en 2009 par deux étudiants en école d’ingénieur en agronomie ayant passés plusieurs mois d’enquête sur le terrain à Danian, ainsi que nos observations personnelles dans la région du Guizhou et du Guangxi.

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