Après avoir considéré le contexte géographique, climatique et géologique dans nos trois épisodes précédents, nous abordons l’évolution agricole de la région de Danian

Avant 1949

Généralités

C’est une agriculture d’autarcie que l’on trouve à l’époque, avec principalement en fond de vallée des rizières en riz glutineux, et au fur et à mesure de l’altitude d’autres variétés de riz non glutineux ayant des cycles de culture d’environ 3 mois. L’irrigation est primordiale et vient essentiellement des précipitations. Sur les versants plus secs, prédominent les cultures de camélia à huile. Sur les hauteurs et les zones non cultivées on observe des forêts mixtes (conifères et feuillus).

Les autre productions concernent le maïs, la patate douce, des productions potagères comme le chou, le concombre, etc.). On notera quelques parcelles de coton, d’indigo (pour la teinture) et de tabac.

Les habitants complètent leur alimentation par la cueillette d’herbes, de fougères et de petits fruits ainsi que par la chasse.

Buffles et zébus sont principalement élevés pour les travaux dans les rizières comme le hersage, alors que des cochons sont engraissés dans les bas des maisons, accompagnés souvent de poules et canards.

La fertilisation des rizières se différencie selon les saisons. En dehors de la saison d’hiver et lorsque le riz pousse où les apports se font par transfert des matières organiques compostées (fumier, paille, cendre et feuilles), les apports sont liés aux déjections des animaux de trait pâturant sans les forêts et les rizières, ainsi que des cochons nourris au son de riz. Les déjections humaines ne sont pas utilisées dans la région de Danian alors que cette pratique existe non loin dans le Guizhou.

Un système très inégalitaire

Issu historiquement d’un système féodal, on estime avant 1949, que 15% de la population possédait entre 40 à 60% des rizières (souvent les plus intéressantes comme celles en fond de vallée…).

On peut distinguer 4 catégories sociales :

Les propriétaires dits « absentéistes » (5% de la population) : ils louent leurs terres et prélèvent en général 50% de la récolte. Ils possèdent chacun entre 0,4 et 4,5 ha de surface agricole (soit environ entre 6 à 25 mu – 1 mu = 667 m²). Mais souvent leurs revenus provenaient d’autres activités comme le prêt (argent ou riz) à des taux usuriers, la coupe de bois, la distillation…

Les propriétaires (10% de la population) : possèdent des terres et la cultivent avec l’aide d’ouvriers agricoles et de quelques buffles. Parfois ils louent une partie de leurs terres.

Les familles locataires (25% de la population) : louent entre 0,25 à 0,5 ha (soit entre 4 à 8 mu) en donnant 50% de leurs récoltes aux propriétaires. Elles peuvent compléter leurs revenus en vendant leur force de travail pour la coupe de bois ou d’autre travaux agricoles pour les propriétaires « absentéistes ». Leur statut est très précaire avec la possibilité d’être expulsés à tout moment. Ils peuvent posséder des zébus (le buffle est hors de leur budget, idem pour les cochons).

Les ouvriers agricoles (30% de la population) : ceux qui ne peuvent louer des terres, vendent leur force de travail pour un salaire d’environ 12 yuans/mois leur permettant d’acheter 120 kg de riz paddy) ; leurs enfants se louaient aux propriétaires contre un repas pour la garde des animaux.

On estime à cette époque que les familles le plus pauvres obtenaient 120 kg de riz/mois à 300 kg de riz/mois pour les propriétaires « absentéistes ». Sans oublier les différents impôts et taxes pouvant grever le budget des familles.

Les périodes de disettes sont fréquentes surtout pour les familles locataires et les ouvriers agricoles, d’autant plus que la région est toujours sous le joux de seigneurs de guerres. Plusieurs révoltes et luttes entre les membres du Parti Communiste naissant, le Kuomintang et les seigneurs de guerre n’améliorent pas le quotidien de la population locale.

Dans notre prochain épisode nous traiterons de la période de 1949 à 1962…

Nos articles sur le riz glutineux ont pour sources des données locales chinoises, internationales, et reposent sur une étude faite en 2009 par deux étudiants en école d’ingénieur en agronomie ayant passés plusieurs mois d’enquête sur le terrain à Danian, ainsi que nos observations personnelles dans la région du Guizhou et du Guangxi.

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